Isabelle Chalumeau : « pas de contrat = pas de contraintes »
Publié le mardi 30 juillet 2013 par Isabelle Chalumeau | 0 commentaires
Classé dans : Témoignages - Écrivain public -

Bonjour Isabelle, Merci d’avoir accepté de témoigner pour Croquefeuille.

Bonjour Céline,
De rien, tout le plaisir est pour moi !

Tu es secrétaire libérale depuis 2004. Peux-tu nous rappeler un petit peu ton parcours et quelles ont été les raisons qui t’ont amenée à te mettre à ton compte ?

Après un BAC littéraire en 1976, je suis partie à Londres où j’ai suivi une formation de secrétaire tout en bossant le soir dans un cinéma. J’ai travaillé ensuite pendant 4 mois dans une compagnie maritime. En 1977, j’ai suivi celui qui allait devenir mon époux, un Allemand cuisinier à Londres, dans sa ville d’origine : Stuttgart. En attendant d’apprendre l’allemand, j’ai fait des petits boulots, notamment nounou pour deux jeunes enfants qui m’ont beaucoup aidée à maîtriser la langue de Goethe. Si bien qu’un an après mon arrivée à Stuttgart, j’étais embauchée dans une entreprise de normalisation.

En 1979, j’ai intégré l’équipe commerciale internationale d’une entreprise de maroquinerie. J’y ai travaillé jusqu’en 1985, année de naissance de mon fils. Un divorce plus tard, je rentrais en France en 1988…
J’ai immédiatement trouvé une mission intérimaire de six mois puis, en janvier 1989, j’ai intégré le service commercial d’une usine de forge/estampage comme secrétaire commerciale trilingue.

En 2002, suite à un licenciement, j’ai travaillé encore pendant un an dans une importante entreprise en mission intérimaire d’un an.
Puis plus rien !... Trouver un travail à un salaire décent devenait impossible. J’ai alors décidé, sans attendre la fin de mes droits ASSEDIC, de me mettre à mon compte comme écrivain public et secrétaire indépendante.

Quelles sont tes spécialités comme secrétaire indépendante ?

Secrétariat classique et médicale, un peu de juridique basique aussi, en dépannage (maladie de la secrétaire ou surcroît d’activité) ou de façon pérenne pour quelques heures par semaine.

Mon slogan est « pas de contrat = pas de contraintes » et cette formule très souple, qui permet à mes clients de me décommander du jour au lendemain et de me demander également du jour au lendemain (dans les limites de mes disponibilités), les séduit beaucoup.

Tu exerces également comme écrivain public. Peux-tu nous en dire un peu plus sur ce métier ?

C’est le domaine de mon activité professionnelle que je préfère ! Mes clients sont majoritairement des particuliers, mais aussi des professionnels pour des discours ou du travail rédactionnel comme rédiger une plaquette publicitaire.

Le plus passionnant de mon métier d’écrivain public est l’écriture de biographies pour particuliers, les fameux romans de la vie très en vogue depuis plusieurs années.
Pour effectuer ce travail, je me rends chez les personnes qui confient le récit de leur vie à mon dictaphone. Je transcris ensuite ces entretiens en fichier Word et je transforme le tout en roman, c’est-à-dire sans rien changer à l’histoire, bien sûr, mais en l’insérant dans la grande Histoire, en ajoutant des précisions sur des personnages et des lieux, et en insérant des dialogues afin que le récit se lise plus facilement, comme un roman.

J’ai vu que tu écrivais aussi des livres. Peux-tu nous en dire un peu plus ?

J’ai toujours écrit, depuis l’enfance, mais de manière cachée car c’était mal vu par mes grands-parents chez qui je vivais. Puis j’ai même carrément cessé d’écrire après avoir rencontré mon ex-mari pour être « normale » !... Après mon divorce et mon retour en France, je me suis remise à l’écriture.
En 1995, j’ai participé à un premier concours de poésie et j’ai obtenu le premier prix ! Cela a été le début d’une longue aventure qui se poursuit encore.

En 1999, j’ai publié en autoédition mon premier recueil de poèmes, puis un deuxième, puis un recueil de nouvelles, puis un roman épistolaire, puis une saga familiale en quatre tomes de plus de 1500 pages !
J’ai essayé de trouver un éditeur, mais les seuls intéressés me proposaient du compte d’auteur qui sentait l’arnaque. J’ai préféré continuer en autoédition. J’ai publié cette année mon 15e ouvrage, un recueil de chroniques familiales racontées par le chien de la maison (décédé depuis…) et intitulé "Véga, la terreur du p’tit chemin". Je viens de terminer un nouveau roman qui paraîtra début 2014.

Pour me faire connaître, je participe à des salons littéraires locaux, je vends mes livres dans des supermarchés dans ma ville (Nancy), j’en parle sur mon site professionnel, sur mon blog et sur ma page Facebook. Depuis un mois, tous mes livres sont également disponibles au format électronique sur le site Amazon.

Comment parviens-tu à jongler avec toutes ces activités ?

J’ai la chance de pouvoir me contenter de peu de sommeil ! Et de vivre avec une personne qui est déjà à la retraite, qui s’occupe de tout à la maison, qui peut se rendre disponible quand je le suis et qui peut partir en vacances dès que je le peux en fonction de mon emploi du temps.
Dès que j’ai une baisse de l’activité professionnelle, j’en profite pour écrire pour moi. Mon moteur, c’est tout simplement le besoin d’écrire au quotidien.

En 2004, le statut d’auto-entrepreneur n’existait pas. Comment s’est passé ton lancement ?

Le lancement de l’entreprise s’est fait très facilement. J’ai rencontré une personne de l’URSSAF qui s’est occupée de mon inscription à l’INSEE pour avoir le numéro de siret et le code APE.
En attendant, j’ai cherché une adresse de domiciliation afin que mon adresse personnelle n’apparaisse pas sur mes documents professionnels, j’ai démarché une autre banque que la mienne pour ouvrir un compte pro, et j’ai fait un immense publipostage de quelques 3000 lettres à tous les professionnels à et autour de Nancy. Puis j’ai créé un site Internet.

Quelles sont les difficultés que tu as pu rencontrer ?

La première difficulté a été de démarrer l’activité. Cela a pris six mois pour obtenir le premier client !... Avec mon mailing de 3000 adresses, j’ai eu… 3 réponses !!! Mais cela m’a permis de démarrer.
Heureusement, j’avais droit à 36 mois d’indemnités chômage que j’ai continué à percevoir, en fonction du chiffre d’affaires que je déclarais sur l’honneur chaque mois. Grâce à ces indemnités, j’ai pu vraiment démarrer car je n’ai pu véritablement vivre de mon activité qu’à partir de 2007.

Cela aurait-il été plus facile avec le statut AE ?

Difficile à dire, mais je ne crois pas car il faut de toute façon toujours se battre pour décrocher des contrats.
Et quand je vois le nombre d’auto-entrepreneurs qui disparaissent chaque année, je me dis que ce n’est pas non plus la panacée !...

Aujourd’hui, quel regard portes-tu sur la profession de secrétaire indépendante ?

Excellent ! Pour rien au monde je ne voudrais redevenir salariée !
Bien sûr il y a un gros stress car on ne sait jamais par avance ce qu’on va gagner dans le mois, mais avec l’expérience, j’ai appris à dédramatiser quand le chiffre d’affaires est très bas un mois. Car je sais qu’il y aura des mois très élevés.

Dès le début de l’activité, j’ai pris l’habitude de me verser une rémunération fixe. Lorsque je gagne en un mois plus que mes charges et ma rémunération, je mets l’excédent sur un compte épargne, ce qui me permet de me verser la même rémunération quand le chiffre d’affaires est bas. Car lorsque je décroche la commande d’un roman de la vie, comme je demande un paiement en trois fois – un acompte préalable, un 2e en fin de travail rédactionnel et le dernier à la livraison des livres – il arrive que je fasse des mois à 3 000 voire 4 000 ou même 5 000 euros. Et là, il faut savoir garder la tête froide et mettre les sous de côté !

L’avantage du travail indépendant est qu’on est considéré dès le départ comme un professionnel. Le client, même s’il a par ailleurs un personnel salarié, se comporte tout à fait différemment avec moi ; il est beaucoup plus respectueux et ne met pas mes compétences en doute. Il n’y a plus de rapport hiérarchique, mais un rapport égalitaire de professionnel à professionnelle.
Un autre avantage est que le travail est très varié.
Bosser chez soi est aussi très agréable, mais cela suppose une certaine rigueur de travail.

Penses-tu que l’on peut vivre de ce métier malgré la crise et la concurrence ?

Oui, si on peut se permettre de se donner du temps…
Personnellement, je ne connais pas la crise ! Je crois même pouvoir dire que j’en bénéficie en ce sens que mes clients, les professionnels, ont souvent recours à moi parce que cela leur coûte moins cher que d’embaucher ou de passer par l’intérim. C’est plus souple et ils n’ont pas à craindre les congés maladie, les congés payés, les congés maternité…

En revanche, la concurrence est en effet très rude. Surtout la concurrence déloyale ! Nous sommes dans une branche qui n’est pas réglementée, c’est-à-dire que n’importe qui peut se déclarer écrivain public et les mauvais écrivains publics, qui font plus de fautes encore que leurs clients, portent préjudice aux professionnels sérieux et compétents.
Et puis nous devons faire face au travail au noir ou au travail bénévole vers qui les particuliers ont tendance à se tourner. Mais certains, déçus par le manque de sérieux du prof en retraite ou de la secrétaire au chômage, finissent par venir vers nous, les professionnels de l’écrit.

Quels conseils donnerais-tu à celles et ceux qui souhaitent se lancer ?

1/ s’assurer que l’entourage familial est prêt à soutenir le projet car l’activité est parfois chronophage et le conjoint/les enfants doivent pouvoir comprendre et admettre qu’on doit parfois travailler le soir et le week-end.

2/ s’assurer qu’on peut tenir financièrement environ trois ans avec des revenus minces et irréguliers

3/ créer un site professionnel et faire en sorte qu’il soit bien référencé

4/ avoir toujours un roulement de publicités sur différents sites, payants ou non. Par principe et maintenant par expérience, je dépense très peu d’argent pour la publicité. Les annonces gratuites sur de bons sites comme Leboncoin fonctionnement très bien. A contrario, je l’ai appris à mes dépens, une campagne publicitaire onéreuse peut ne donner aucun résultat !

5/ être prêt à travailler beaucoup. Les semaines de 35h n’existent plus quand il y a du boulot. Or le boulot, il faut le prendre quand il se présente. En revanche, on a parfois des semaines de 15 h qu’il faut alors mettre à profit pour gâter sa famille et ses amis !

6/ faire preuve d’optimisme et de pugnacité. Quand on veut, on peut !

7/ ne pas céder à la tentation de travailler à bas prix. Les clients ont parfois tendance à penser qu’un devis trop bas est suspect !!! Et puis mieux vaut commencer à travailler au juste prix et ne pas augmenter ses tarifs pendant deux ou trois ans plutôt que commencer très bas et devoir opérer une augmentation de 30 % l’année suivante pour arriver à vivre de son activité ! Les clients jugent un tel comportement très peu professionnel et un client mécontent qui s’en va ne revient jamais et vous fait une mauvaise pub !

8/ croire en son projet et en sa chance !

Pour en savoir plus :

Le site de ZAZ-Ecritoire
Le blog d’Isabelle, ZAZ et Plus

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